lundi 12 septembre 2016

LA RUE DU BOUT DU MONDE d'Hélène CLERC-MURGIER

Le roman policier historique appartient évidemment au domaine du roman policier mais il constitue à lui seul une catégorie particulière exigeant de l’écrivain un sens de l’intrigue,  alliant psychologie des personnages et  mise en œuvre d’une narration basée sur le suspense, tout en développant un solide arrière plan historique.  Une petite erreur, un anachronisme, et voilà votre roman à jeter aux cochons !  Le roman policier historique est donc un genre risqué mais quand il est inspiré il faut lui reconnaître des qualités qui valent le détour.
 « La Rue du Bout du Monde » d’Hélène Clerc-Murgier possède indubitablement tous les ingrédients nécessaires au genre.  L’écrivain  nous propose un voyage en plein XVIIeme siècle au moment où les oppositions entre catholiques et protestants continuent à alimenter les passions politiques et religieuses. L’action se déroule près d’un demi siècle après la Saint Barthélémy, c’est le règne de Louis XIII qui a succédé à Henri IV et malgré la promulgation de l’Edit de Nantes en 1698 on sent bien que le pouvoir est fragilisé par les intrigues et  les prémisses de la Contre Réforme. Le feu couve mais il n’est pas encore déclaré.  
   Hélène Clerc-Murgier soigne les détails, on découvre le Paris de la première partie du XVIIeme siècle. « Le Grand Châtelet, aux premiers jours de l’été, ne se départait pas de son allure de citadelle qui le rendait réellement sinistre aux yeux des parisiens. Les tours, salies par le temps, les intempéries et l’humidité de la Seine toute proche, semblaient encastrées les unes dans les autres et se fissuraient de toutes parts. Les toits d’ardoise grisâtres ternissaient le ciel, même les jours où le soleil illuminait la cité. De l’extérieur, cette prison semblait une ruine, alors qu’elle abritait les plus lugubres cachots de la capitale et était un des endroits les plus redoutés de Paris. » Le décor est planté. Nous sommes en 1624 et Richelieu  fait tout pour revenir dans le jeu politique. Le pouvoir s’apprête à basculer tandis que de l’autre côté du Rhin le savant Wilhelm Schickard  vient de mettre au point une horloge à calculer. Les plans qu’il a élaboré doivent  être transmis au comte Henry de Schomberg qui habite au château de Vincennes. Le jeune français, Michel Mauregard,  va traverser les provinces allemandes et une partie du royaume de France  pour mener à bien cette mission.   Dans la capitale un rumeur se répand : des femmes seraient assassinées et retrouvées le cœur arraché.  Le lieutenant criminel Jacques Chevassut épaulé par son second, Philippe de May, vont mener  l’enquête  dans Paris et ses faubourgs.  L’affaire se révèle autrement coriace qu’ils ne l’avaient imaginé au départ et puis, à mesure que les événements se précipitent, les autorités se montrent de plus en plus nerveuses et de moins en moins compréhensives.  Les deux hommes vont devoir affronter des intérêts qui les dépassent et découvrir progressivement une réalité aussi terrible qu’implacable.
Entre le polar historique et le roman d’espionnage,  Hélène Clerc-Murgier tisse une toile narrative qui nous entraîne des cabarets du quartier Latin aux échoppes du Pont Neuf, de la cour des Miracles et l’hôtel de Rambouillet.  Son travail de documentation a été considérable et son sens du récit  contribue à rendre son roman profondément réaliste.  « La Rue du Bout-du-Monde »  est un petit régal de polar historique qui place désormais Clerc-Murgier parmi les meilleurs spécialistes du genre. 
Archibald PLOOM
© Culture-Chronique --                                                
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