Henrietta Rose-Innes est une écrivaine sud-africaine qui fut autrefois élève de J.M Coetzee le prix Nobel de littérature. Cette parenté a donné des fruits exceptionnels. Son précédent roman, “Ninive”, était une ode sublime à la nature et aux rapport que l’humanité tisse avec elle. Avec “L’Homme au lion” Henrietta Rose-Innes approfondit avec beaucoup d’inspiration cette thématique. Comme sa consoeur Rosamund Haden, Rose-Innes plante le décor dans une Afrique du Sud prise entre une modernité qui rompt avec son passé et un monde sauvage qui fut autrefois son berceau.
A ce titre “L’Homme au lion” constitue une métaphore sensible et puissante sur le rapport que l’homme construit avec son environnement. La ville du Cap porte tous les stigmates de l’hypermodernité et pourtant le bush, terre hostile et dangereuse, est à ses portes. Il a été d’ailleurs le théâtre d’un drame qui a séparé deux amis, Mark et Stan, alors qu’ils n’étaient encore qu’adolescents. Des années plus tard, ils vont se retrouver mais Mark est blessé par l’un des lions dont il s’occupait au zoo. L’animal est abattu. Sekhmet, la lionne survivante est désormais la dernière de son espèce, et c’est Stan qui va désormais s’occuper d’elle. Entre le jeune homme, obsédé par le passé partagé avec son ami, et l’animal, va s’instaurer un rapport particulier au point que Stan va se mettre à sentir le fauve. Mais il n’est pas le seul à ressentir l’attractivité sauvage du félin, d’autres fascinés comme lui par Sekhmet, voudraient lui rendre sa liberté.
L’excellente traduction d’Elisabeth Gilles nous offre la possibilité de découvrir une magnifique fable où la dimension sauvage de la nature prend, au fil des pages, l’ascendant sur les êtres. Le fauve devient le point nodal du roman vers lequel converge l’ensemble des acteurs du récit. Sekhmet, dernier lion du Cap redevient, à mesure que la narration progresse, le symbole d’une vie désormais perdue et que certains aimeraient pouvoir retrouver.
Archibald PLOOM
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