lundi 21 mai 2018

PHILIPPE D’ORLEANS d’Elisabetta LURGO




Philippe d’Orléans était le frère du roi Soleil et on l’appelait “Monsieur”. Pour le reste il fut l’une des personnalité les plus controversée de son époque. Il faut dire que Philippe  cultivait sa différence avec ostentation et qu’il ne cachait pas son homosexualité au sein d’une cour de Versailles où les dévots pulullaient.  Elisabetta Lurgo nous propose un portrait de cette personnalité hors norme, débarassé des pesants oripeaux que  l’Histoire lui a imposés. 
   Alors que Versailles est visité par des milliers de touristes chaque année, le château de Saint-Cloud son chef d’oeuvre à lui, que “Monsieur” aimait à la folie et que la plus grande partie de la noblesse préférait au palais du roi, est détruit à jamais : incendié en 1870 et rasé en 1892.  Beaucoup de ce qui fit sa fortune  - objets d’art, pierreries, tableaux, bijoux – ont été disséminés par ses héritiers pour en tirer quelques profits. Il ne reste comme témoignage de Philippe que le grand canal d’Orléans  qu’il projeta et finança sur ses deniers.   Ce grand collectionneur semble avoir été effacé de l’histoire, même son corps enterré  dans la crypte de Saint Denis sera profané en 1793 et jeté dans la fosse commune.  
    Tout semble hostile à ce personnage haut en couleur : ses femmes d’abord qui n’auront de cesse de le discréditer, les écrivains souvent implacables tels que Madame de Lafayette ou encore Saint Simon, ses proches aussi qui trempaient leur plume dans le fiel et enfin l’absence de l’intéressé lui même , fort bavard de son vivant mais muet devant l’Histoire.
   Elisabetta Lurgo, dans cette biographie de près de 400 pages, nous permet de découvrir la personnalité réelle d’un homme qui vécut dans l’ombre de son frère mais qui parvint à  imposer  sa différence.  Il était temps d’entendre à nouveau cette voix oubliée.



lundi 14 mai 2018

LES ETATS-UNIS ET LE MONDE de Maya KANDEL


      

Maya Kandel  nous propose dans cet ouvrage de réexaminer l’histoire du rapport au monde des Etats-Unis depuis la naissance du pays, avec une attention particulière au lien entre actions extérieures et évolutions internes.  L’évolution de la politique étrangère américaine est en effet inséparable des soubresauts et aléas de l’identité américaine, définie par la notion d’exceptionnalisme, ancrée dans la naissance et l’histoire du pays.  Kandel  souligne que la politique étrangère  des Etats-Unis est toujours, d’une certaine façon, de la politique intérieure, car le peuple est au coeur du système politique américain. Une certaine adhésion populaire a toujours été nécessaire, même si elle n’exclut pas la manipulation.
   L’ouvrage met en exergue que l’évolution du rapport au monde des USA est à chercher du côté des redéfinitions de la notion d’exceptionnalisme américain, dont l’acception a varié.  Trois autres thématiques sont examinées par Maya Kandel concernant la politique étrangère des Etats-Unis : le rapport de puissance, les intérêts économiques, et la relation à une Europe qui est finalement à l’origine du pays.
   L’historienne réexamine les mythes qui accompagnent la politique étrangère des Etats-Unis en particulier leur prétendu isolationnisme jusqu’à la fin du XIXeme siècle, la rupture de 1898 qui marquerait les débuts de l’impérialisme américain, ou encore le début  du siècle américain  à partir de 1917.
   L’ouvrage qui débute par un rappel sur les pères fondateurs qui menèrent la révolution américaine, est d’une lecture aisée en huit chapitres qui éclairent autant de périodes clefs de l’évolution du pays. Une mise en perspective nécessaire qui permet de saisir  en deux cents pages  l’essentiel  de la relation des Etats-Unis au monde.  



jeudi 10 mai 2018

LES PREMIERS MINISTRES QUI ONT FAIT L’ANGLETERRE d’Antoine d’ARJUZON

   
   Le prologue de l’ouvrage d’Antoine d’Arjuzon  porte un titre de circonstance : “De la nécessité de nommer un Premier ministre”. Car en Grande-Bretagne il est difficile d’imaginer  une politique qui ne serait pas décidée au 10 Downing  Street.  Pourtant il n’en fut pas toujours ainsi. D’Arjuzon rappelle que c’est une situation historique au début du dix huitième qui transforma le Cabinet du premier ministre en véritable détenteur du pouvoir exécutif.   Quand Georges Ier de Hanovre, monte sur le trône d’Angleterre, il ne parle pas anglais et communique avec ses ministres en français ou en latin, du coup le Premier Ministre va se substituer au roi comme chef effectif de l’Etat.     L’anecdote  peut paraître incroyable mais l’histoire a parfois des détours surprenants. Reste qu’hormis quelques personnalités comme William Pitt,  Wiston Churchill ou Margaret  Thatcher le public français ne connait guère les premiers ministres de sa majesté.  L’ambition d’Antoine d’Arjuzon  est  de faire connaitre ces hommes et ces femmes qui ont su mener la Grande-Bretagne à un degré de puissance remarquable  au XIXeme siècle et qui ont lui permis de traverser deux guerres mondiales au XXeme siècle.

    Cette extraordinaire galerie de portraits nous plonge dans l’histoire politique, économique, sociale, intellectuelle et artistique de la Grande-Bretagne.  Des chapitres courts  restituent l’essentiel  du parcours de ces hommes et femmes politiques britanniques qui accédèrent à la plus haute fonction. De William Pitt jusqu’à Thérésa May l’histoire de la Grande-Bretagne se dévoile par petites touches, chacun apportant sa pierre à l’édifice commun.  Un ouvrage indispensable pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur ceux qui menèrent les destinées de la prude Albion.

dimanche 6 mai 2018

LA PREMIERE FOIS QUE J'AI ETE DEUX de Bertrand JULLIEN-NOGAREDE





ENTRETIEN AVEC Bertrand JULLIEN-NOGAREDE

Bertrand Jullien-Nogarède nous propose avec “La première fois que j’ai été deux” – parution le 6 juin 2018 chez Flammarion -  un roman d’amour qui plonge ses racines dans l’histoire européenne.  Karen Traban son héroïne est passionnée de littérature et de musique et sa rencontre avec un jeune anglais va l’entrainer bien au-delà de ce qu’une simple histoire d’amour peut  proposer. L’écrivain a accepté de répondre aux questions d’Appoline Segran pour Culture-Chronique.

Appoline SEGRAN :  Votre roman  “La première fois que j’ai été deux” est un véritable petit piège littéraire, on croit à un classique roman d’amour mais en vérité ce n’est que le début d’une quête initiatique.

Bertrand JULLIEN-NOGAREDE : Oui ce n’est que le début… Comme l’histoire de chacun d’entre nous qui n’existe que dans un environnement particulier.  L’amour est la grande affaire de notre vie mais immédiatement au second plan il y a les gens qui nous entourent, notre village, notre quartier, et puis l’Histoire  qui nous tient constamment en otage.  Ce n’est pas la même chose de vivre aujourd’hui plutôt que dans la France de 1918…

Appoline SEGRAN :  Votre roman se déroule au début des années 2000.

BJN :  Oui je tenais à cette distance.  Je n’aime pas le temps immédiat. Il absorbe l’écrivain, l’entraîne dans le tourbillon de l’actualité.  Ecrire sur un temps révolu, même s’il ne s’agit que d’une décennie, est toujours plus facile, du moins pour moi.

Appoline SEGRAN : Votre héroïne, Karen Traban,  est encore au lycée.

BJN : Oui Karen passe le bac,  le roman se déroule sur quelques mois durant l’année de terminale. Je voulais écrire sur ce passage  de la vie, ce moment de basculement entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte. 

Appoline SEGRAN :  Elle juge le monde qui l’entoure avec une ironie mordante…

BJN :  Absolument, c’est de son âge… Et puis la vie ne lui a pas réservé que des bonnes nouvelles. Elle se protège comme elle peut. Elle vit avec une mère dépressive, n’a jamais connu son père et n’ai pas très chanceuse avec les garçons.  Elle a des raison d’être un peu en colère.

Appoline SEGRAN :  En même temps c’est une jeune fille qui a vite compris que la vie peut rapidement devenir une comédie.

BJN :  Oui elle ne se fait guère d’illusions tout en conservant au fond d’elle une forme d’espérance romantique. Un romantisme qui aurait été trempé dans un bain d’acide voltairien.

Appoline SEGRAN :  Une voltairienne en jupon…

BJN : Oui c’est un peu ça.  Karen Traban est un personnage que j’ai travaillé pendant une dizaine d’années à partir d’instantanés de jeunes filles que j’ai glanés ici et là. C’est une construction narrative de longue haleine. J’ai connu une Karen Traban au même âge, c’est sans doute de là que tout est parti…

Appoline SEGRAN :  Un amour de jeunesse…

BJN :  Qui sait… mais une chose est certaine il y a parfois une lucidité  incroyable chez une jeune fille de 17 ans souvent associée à une forme de révolte. Karen est une littéraire, c’est un don que sa mère lui a fait. Elle lit énormément et c’est une jeune fille à qui on la fait pas. Les répresentations que les garçons ont des filles, l’hypocrisie des adultes, la société de consommation, la tristesse de la banlieue sont autant de thèmes qui habitent le roman. Karen cultive un goût pour le romanesque  sans pour autant rêver d’une romance.  Elle ne se fait pas trop d’illusion sur le cours que peut prendre la vie d’une gamine de banlieue…

Appoline SEGRAN :  Et pourtant elle va faire une rencontre qui va changer sa vie…

BJN :  Oui et une telle rencontre à 17 ans  procure une intensité particulière.  Quoi qu’il puisse se passer ensuite ce moment  restera “hors temps”. C’est ce que j’ai voulu raconter.  Tom et Karen vont s’inventer une histoire unique à partir  de leur révolte en refusant finalement de s’y enfermer.

Appoline SEGRAN :  Karen et Tom  sont aussi musiciens.

BJN :  Leur rencontre aurait été impossible sans la musique.  Ils partagent cette passion. Au fond c’est ce qui les sauve, ils sont capables de s’abstraire dans la musique. Elle fait partie de leur vie. Mais leurs cultures sont différentes, Tom est anglais et Karen française.  J’ai trouvé intéressant de confronter ces deux approches: Karen possède une solide formation classique tandis que Tom adore le rock. 

Appoline SEGRAN : Votre roman possède une BO  remarquable.

BJN :  Oui c’est un parti pris que j’ai trouvé intéressant., The Who, The Rolling Stones,  The Kinks, The Jam, Oasis sont des groupes dont l’influence musicale a été, et reste, considérable. Je voulais écrire un roman immergé dans la bande originale de ces quarante dernières années.  Tom et Karen sont sensibles à certains morceaux qui désormais appartiennent à l’histoire. Ils révèlent l’influence du passé sur le présent de jeunes gens.  C’est une particularité  de l’après seconde guerre mondiale.

Appoline SEGRAN :  L’Histoire est le troisième personnage du roman.

BJN : Elle l’est pour nous tous sans que nous en ayons toujours conscience.  J’avais envie d’explorer cette part de la réalité qui nous traverse insensiblement jusqu’à parfois nous détruire.  Karen va progressivement comprendre que son histoire est intimement liée à des évènements qui ont précédé.

Appoline SEGRAN :  A ce titre “La première fois que j’ai été deux” est un roman européen.

BJN :  Oui absolument ! La géographie du roman traverse la France, la Grande Bretagne, la Pologne et l’Allemagne, quatre pays  où se sont noués  le destin des ancêtres des deux  protagonistes.  

Appoline SEGRAN :  Au terme du roman le lecteur se dit qu’il a fait un sacré voyage dans le temps.   

BJN :  Oui un voyage initiatique  qui va changer la vie de nos deux personnages.  Un voyage dans l’histoire qui va commencer sur un vieux scooter dans les plaines de Seine et Marne et se terminer à Londres… L’amour se livre parfois à des détours étranges...