mardi 20 février 2018

DANS L’EQUIPE DE STALINE DE Sheila FITZPATRICK

    

Les éditions Perrin continuent leur remarquable travail de traduction d’ouvrages étrangers de premier plan avec  la publication “Dans l’équipe de Staline” de l’historienne américaine  Sheila Fitzpatrick. Cette dernière nous propose une analyse très approfondie  du réseau de dignitaires communistes sur lequel s’appuya Joseph Staline de 1920 jusqu’à 1953. Des hommes qui ont permis au successeur de Lénine de se maintenir à la tête de l’Union Soviétique.
   Ce que le travail de Fitzpatrick met en évidence tient principalement au fait  que les hommes qui entouraient  Staline étaient à la fois dévoués, fidèles et compétents.  Au terme de l’ouvrage l’historienne propose un lexique qui recense l’ensemble de ces personnalités. La liste est importante mais surtout si ces hommes sont indispensables, ils sont toujours en équilibre précaire dans des jeux de pouvoir qui peuvent tourner au jeu de massacre. Ainsi le russe Molotov, son dauphin, qui resta à ses côté alors que sa femme avait été arrêtée et exilée par Staline. Il survécut à au maître du Kremlin et mourut à presque cent ans.  De son côté le géorgien Beria  fut l’une des pièces maitresses du dispositif de sécurité soviétique. Il dirigea le NKVD mais fut exécuté peu de temps après la mort de celui qu’il servit avec passion.  Jdanov fut l’un des plus anciens compagnons de route de Staline et fut l’un des idéologues de la reprise en main de la culture par le parti.  Il disparut en 1948.  Joukov fut l’un des artisans du succès de l’armée soviétique contre les troupes nazis.  Il avait la confiance de Staline et après sa mort il participa à la liquidation de Béria. 
   Certaines de ces personnalités ont connu des destins contrastés.  Ainsi Kirov  ami intime de Staline et compagnon de route sera assassiné en décembre 1934. Nombreux furent ceux qui furent liquidés ou emprisonnés pour des raisons idéologiques  : Kamenev, Rykov, Svanidzé, Piatakov, Lozoviski. On oublie à quel point il était dangereux d’approcher de près ou de loin Joseph Staline durant la période où il dirigea l’URSS.   
   Dans l’équipe de Staline” met en exergue les trajectoires d’hommes dévoués à une idéologie, un projet et un homme.  L’ouvrage nous aide à mieux comprendre le cercle rapproché de celui qu’on surnommait le “Vodj” et que Khrouchtchev démantèlera quelques années après la mort  de celui qu’il servit. Un ouvrage utile et éclairant.

mercredi 14 février 2018

UNE AUTRE HISTOIRE DE LA RENAISSANCE de Didier LE FUR


   
La Renaissance telle qu’on nous l’a présentée depuis des siècles ne correspond sans doute pas au tableau rassurant que suggèrent les productions artistiques, les châteaux,  les textes fondateurs et les découvertes qui constellèrent cette période historique.  Cette thèse est celle de l’historien Didier Le Fur qui voit dans cette peinture flatteuse le résultat d’une construction dont l’ébauche se dessina au début du XIXe siècle.
   Le mot “ renaissance” lui-même fut d’abord compris dans un sens chrétien, celui de la régénération  qu’offraient le baptême où la pénitence.  En Italie à partir du XVe siècle le terme rinascita qualifiait un phénomène culturel dont l’objectif était de faire revivre  la période antique où l’Italie était le centre du monde.  En France  ce sont les auteurs de la Pléïade qui au XVIe siècle utilisèrent le vocable dans le but de rénover la langue française, pour en faire la plus belle du monde, rien de moins. Ils assumèrent des emprunts au vocabulaire des parlers anciens, des idiomes provinciaux, et des langues vernaculaires européennes, principalement l’italien et l’espagnol.  La période des Lumières renforça la vision progressiste de la période en reliant renaissance italienne et française et en commettant un contresens durable sur la définition de l’humanisme en confondant  l’apprentissage des humanités et la conscience individualiste.  Au XIXe siècle la Renaissance ne devint plus seulement le point de départ d’une action littéraire et éducative mais d’une civilisation.  La construction historique prit donc plusieurs siècles et aboutit finalement à présenter la Renaissance comme un moment exceptionnel  de l’histoire de France, ce qui servit beaucoup d’intérêts et en particulier ceux des pouvoirs successifs.
   Le Fur parvient avec beaucoup de talent à démonter tous les mécanismes  qui contribuèrent à faire de la Renaissance française  un nouvel âge d’or  qui renouait avec une harmonie perdue, celle qui caractérisa l’Antiquité.