Les éditions Albin Michel arrivent au terme de la publication de la correspondance entre Romain Rolland et Stephan Zweig. Troisième et dernier volume qui met un point final à une longue relation épistolaire dont le fil se rompt le 19 avril 1940 par une courte et dernière missive de l’écrivain autrichien qui résidait alors à l’hôtel Louvois à Paris.
Ce troisième volet de la correspondance de deux auteurs est sans doute celui qui est le plus affecté par l’histoire, il commence à la fin des années 1920 pour s’interrompre au moment où la France va connaitre l’une de ses plus lourdes défaites militaires de son histoire. Cette décennie, l’une des pires de l’histoire de l’Europe, avait pourtant débuté par le pacte signé en 1928 par les nations qui s’étaient déchirées durant la première guerre mondiale, pacte qui condamnait tout recours au conflit armé, prévoyant même de mettre la guerre hors la loi. La suite sera plus prosaïque, revenant à un cours moins imprégné d’idéal bien au contraire.
Les deux écrivains vont vivre intensément cette décennie dont ils rendent avec passion les couleurs, les bruits, les atmosphères, les vibrations émises par les uns et les autres. Romain Rolland, qui est un antifasciste de la première heure, se définit politiquement comme “compagnon de route de L’URSS” tandis que Stephan Zweig, plus méfiant vis à vis de la politique, s’affirme comme l’un des défenseurs d’une Europe unie. Pour son ami français il mettra d’ailleurs trop de temps à se démarquer des nazis. Pourtant l’écrivain autrichien a pris la route de l’exil dès 1934. En avril 1940, il vient à Paris pour quelques conférences sur la “Vienne d’hier”. Curieux contraste entre les préoccupations culturels d’un tout Paris qui se bouscule au théâtre Marigny tandis que le ciel de l’histoire se voile de noir.
Zweig va finalement s’exiler au Brésil où il se donnera la mort en 1942 et Romain Rolland ne le reverra pas. Il apprendra sa mort par la radio. Triste dénouement mais cette correspondance riche de la rencontre de deux grands esprits nous permet de suivre leurs parcours respectifs et d’embrasser l’atmosphère d’une époque. Entre un Rolland, parfois entraîné dans les idéologies du moment, et un Stephan Zweig plus distancié, imprégné d’un humanisme qui n’est plus guère dans l’air du temps, naît un contraste qui fait resurgir une bonne partie de l’histoire européenne depuis la Renaissance. Et puis n’oublions pas que nous avons à faire à deux grands stylistes, ce qui ajoute encore à notre plaisir.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire