vendredi 30 septembre 2016

BRONSON d'Arnaud SAGNARD


Ce “Bronson” d’Arnaud Sagnard est un sacré bon roman, l’un de ceux qu’un auteur nourrit longuement avant de se mettre au travail.  Charles Bronson est l’un de ces acteurs emblématiques du cinéma hollywoodien qui a tourné une quantité de films hallucinante, un homme au sourire énigmatique sur lequel on a beaucoup écrit.  Sagnard tente de saisir  le fond de cette énigme en examinant au plus près ce qui a progressivement constitué le mythe Bronson.
  Bronson  est un gamin  d’Erhenfeld, en Pennsylvannie, au coeur des montagnes des Appalaches, à mi-chemin entre Pittsburgh et Harrisburg.  Erhenfeld est une ville minière où l’on travaille dur pour quelques dollars.  Charles Bunchinsky est issu d’une famille de treize enfants dont une bonne partie travaille au fond de la mine suivant l’exemple du père. Charles sera le premier de la famille à aller au lycée. De son côté Arnaud Sagnard est un gamin de Charenton le Pont loin d’être aussi costaud  que  le jeune Bunchinsky.  Le lecteur va suivre  les lignes de  vie des  deux hommes, l’un poursuivant l’autre, fouillant  chaque recoin de son existence, examinant  une filmographie  où le meilleur côtoie souvent le pire.  Sagnard  ne nous propose pas un exercice d’admiration. Pour lui Bronson n’a rien d’un héros  du cinéma américain , il le voit plutôt comme une incroyable machine à faire des films, une brute de travail  dont l’économie du jeu d’acteur  n’a d’égale que les angoisses qui le tenaillent  et qu’il tente de conjurer  en s’oubliant sur les plateaux. 
   Entre le jeune Arnaud et l’acteur américain va se nouer un lien qui va s’approfondir avec le  temps.   Charles Bunchinsky devenu Bronson va tourner pendant près de 50 ans et l’enquête de Sagnard va tourner à l’obsessionnel :  voyages aux Etats Unis sur les lieux où vécut l’acteur, visionnage  de centaines d’heures de la filmographie bronsonienne, lecture  de tout ce qu’on a pu écrire sur  la plus mutique des stars d’Hollywood. Celui qui fut l’une des figures du justicier américain à travers le personnage  de Kersey véritable assassin sans mobile  qui erre la nuit dans les rues.  “Les victimes changent  au gré des peurs de l’Amérique, les délinquants en maraude laissent place aux organisations  trafiquant de la drogue et à la mafia.”  Ces films sont médiocres mais Bronson est l’un des rouages d’un Hollywood qui se nourrit à l’époque de la duplication du même film décliné dans des suites plus mauvaises les unes que les autres et de celle des cassettes VHS.  Le  cinéma américain est système industriel qui peut faire de l’image d’un homme dans un miroir  le symbole  reproductible  à l’infini des obsessions d’une société.  
   Bronson mourra en 2003 d’une pneumonie, mais l’enquête de Sagnard ne faisait alors que commencer débouchant sur un roman qu’on lit d’une traite.  Ce “Bronson” met à jour comment  l’acteur  survécut à ses peurs en tournant inlassablement des films dont la qualité importait peu et comment le cinéma hollywoodien l’utilisa  jusqu’à l’écoeurement.  Le mythe en prend un coup mais l’intelligence en ressort grandit.  
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)


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