dimanche 4 septembre 2016

LA MÉCHANCETÉ d'Adèle VAN RETH et Michael FOESSEL

  
Ne boudons pas notre plaisir puisque la collection "Questions de caractère" chez Plon nous offre la possibilité d'approfondir des questions philosophiques fondamentales qui sont autant de déclinaisons du caractère humain. Après "Le snobisme" qui avait emporté notre adhésion, voici "La méchanceté" qui a le mérite d'être un trait de caractère fort répandu. Adèle Van Reth dialogue cette fois – dans le cadre de l’émission radiophonique “Les nouveaux chemins de la connaissance” sur France-Culture - avec Michaël Foessel que les plus férus de philosophie connaissent comme l'un des meilleurs spécialistes de philosophie allemande mais aussi de la pensée de Paul Ricoeur.
Interroger la méchanceté c'est évidemment interroger beaucoup plus qu'un simple trait de caractère mais bien sonder ce mécanisme qui transforme parfois la vie en une tragédie. Même l'animal le plus agressif n'est jamais considéré comme méchant sinon le chien qui n'est alors que le prolongement d'une méchanceté toute humaine…
Adèle Van Reth et Michaël Foessel explorent toutes les occurrences de la méchanceté définit au départ comme résidant dans la nature de l’attention qui précède un acte : est méchant celui qui agit selon une intention mauvaise. Partant de là leur cheminement va passer par des topos parfois surprenants, en particulier l’analyse de “Billy Bud” d’Hermann Melville, pendant inverse de la méchanceté, la tentation du bien qui périra justement à cause de la pire méchanceté. Hannah Arend de son côté avait soutenu une thèse qui avait fait scandale à propos d’Eichmann : celle de la banalité du mal. Arendt explique qu’au lieu d’un monstre  on découvre un être somme toute médiocre, , sans aucune forme de perversion morale, qui fuit ses responsabilité comme le fonctionnaire de deuxième zone qu’il était. C’est là qu’est la banalité du mal et dire que le mal est banal, c’est finalement poser qu’il est une possibilité constante de l’homme. Le méchant pour Arendt c’est celui qui va se contenter d’exécuter les ordres, aveugle par manque d’imagination, aux conséquences dramatiques de ses actes. La banalité du mal ne renvoie pas seulement à la figure socratique du mal comme erreur, ou comme médiocrité, mais désigne la figure beaucoup plus inquiétante de la méchanceté qui peut s’emparer de chacun de nous, dès lors que nous arrêtons de juger et que nous cessons d’imaginer la portée sensible de nos actes.
Ce petit livre nous emmènera aussi vers les rives platonicienne, aristotélicienne ou augustinienne, sans oublier quelques escales du côté de chez Rousseau, Spinoza, Jankelevitch ou Levinas. La forme dialoguée favorise une circulation rapide et très stimulante entre ces pensées qui bientôt deviendront nôtres. Sans doute est là l’expression d’une conversation qui aurait eu toute sa place dans un salon du XVIIIeme. Au terme de ce cheminement philosophique on a envie de relire Dostoïevski, Arendt ou Camus qui ont su si bien décrire le mal. Et sans doute se dira-t-on, comme le suggèrent les deux auteurs, que, pour lutter contre la méchanceté, il faut déjà avoir renoncé à l’expliquer.
Oui vraiment, ces deux heures de lecture seront passées en bien bonne compagnie. Alors ne boudons pas notre plaisir…

Archibald PLOOM

© Culture-Chronique --                                                

--   S'inscrire à la Newletter     


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire