mercredi 7 septembre 2016

LA DOUBLE VIE DE JESUS d'Enrique SENA


Depuis “Au dessous du volcan” de Malcolm Lowry  le Mexique a pris une place particulière dans la littérature mondiale. Mais Lowry était un anglais et s'était délibérément servi de ce pays comme toile de fond tragique pour son alter ego alcoolique, le consul Geoffrey.  Reste que cet épisode littéraire a longtemps pesé comme une malédiction dans le ciel de la littérature mexicaine.  Le roman “La double vie de Jesús” d'Enrique Serna ne rompt pas avec cette tradition en continuant d'entretenir cette atmosphère délétère pour les hommes mais excellente pour la littérature.  Son auteur n’en est pas à son coup d’essai puisque trois de ses romans ont déjà été traduits en français. Il fait partie de ces écrivains qui taillent dans la chair de ses personnages et scrute les paradoxes qui  les animent, faisant ressortir toute la cruauté de certaines situations avec un humour d’une incroyable férocité tout en conservant une réelle tendresse pour son personnage principal.  
   “La double vie de Jesús” aurait pu être simplement un roman d’amour mais le réduire  à cette seule occurrence serait évidemment  simpliste, ce serait compter sans le talent littéraire de Séna. Son personnage,  Jesús Pastrana, est un contrôleur fiscal au dessus de tout soupçon, un incorruptible au sein d’une mairie , celle de Cuernavaca, une ville de près de 400 000 habitants, où la corruption  affecte chaque couloir, chaque bureau, à tous les  niveaux de la hiérarchie municipale. En cela Jesùs n’a pas volé son prénom.
   Quand Pastrana décide de se présenter à la mairie de la ville,   comme le chevalier  blanc de la vie politique locale, sa vie va prendre un cours très différent de celui auquel il aurait pu s’attendre.  Entre les fonctionnaires corrompus de la mairie,  les narcotrafiquants qui ont  infiltré chaque quartier de la ville,  un adversaire politique qui possède  une aura médiatique indéniable et une histoire d’amour passionnelle qui va se nouer  avec une créature qu’il ne faudrait mieux pas fréquenter quand on  veut gagner une élection dans  un contexte particulièrement hostile, Pastrana devra affronter les pires travers de la société mexicaine ainsi que ses propres turpitudes.
Jésús va vivre un véritable chemin de croix avec, pour seul allié,  cet amour fou qui le dévore.  Autour de lui les tentatives de corruption se multiplient, les menaces de morts, les enlèvements, les décapitations font basculer la campagne électorale dans une ambiance crépusculaire.
Roman éminemment social  “La double vie de Jesús” ne constitue pas seulement un réquisitoire contre les moeurs politiques au Mexique, c’est aussi un magnifique roman, merveilleusement traduit par François Gaudry, conjuguant réalisme et lyrisme.  L’écriture  d’Enrique Serna  nous entraîne dans une fresque haute en couleur où il parait bien difficile de distinguer le bien et le mal à mesure que le récit avance.  A la fin du roman toutes les boussoles explosent mais il se pourrait bien que Jesús obtienne le droit de ressusciter…
   Pas certain qu’après la lecture de la “La double vie de Jesús”  vous envisagiez des vacances au Mexique mais vous aurez au moins la certitude d’avoir  un grand roman dans votre bibliothèque. 

Archibald PLOOM

© Culture-Chronique --                                                
--   S'inscrire à la Newletter     


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire